Dans le monde comme en France, l’importance des entreprises familiales est incontournable. Elles sont la forme la plus dominante au sein de l’économie. Plus de 60% du PIB de notre pays provient ainsi des activités d’entreprises familiales qui occupent tous les secteurs de l’économie. Il y a peu, les profits records du CAC 40 provenaient d’une entreprise familiale (CMA CGM), l’un des hommes les plus riches du monde, Bernard Arnault, possède une entreprise familiale (LVMH) et la femme la plus riche du monde, Françoise Bettencourt Meyers, est l’actionnaire de référence de l’Oréal, groupe familial créé par son grand-père.
Mais derrière ces arbres se cache la forêt très dense des entreprises familiales de toutes tailles, de tous les territoires et de tous les secteurs (de la vigne à l’électronique, de l’habillement aux travaux publics, de l’agro-alimentaire à l’industriel etc.)
Pourtant, malgré cette présence indéniable au sein de l’économie et de la société, les entreprises familiales sont parfois un peu trop discrètes dans les médias et cette même discrétion se poursuit ensuite au sein des Universités et écoles de commerce dans lesquelles trop peu de formations s’y intéressent, ce qui génère une méconnaissance durable auprès des étudiants notamment.
Il s’agissait donc, au sein de ce numéro thématique de Question(s) de Management, de mieux aborder certaines de leurs caractéristiques, leurs forces comme leurs faiblesses sous l’angle managérial, stratégique mais aussi psychologique.
Car il n’est pas question, loin s’en faut, de dresser un tableau idyllique des entreprises familiales. Ainsi on sait bien que les désaccords et conflits existent au sein de certaines familles en affaires (quand le patriarche refuse de quitter son poste, quand la fratrie se déchire, quand le moins compétent des enfants est aux commandes, quand les filles sont exclues, etc.). Il était ainsi nécessaire de penser en liberté cette question des entreprises familiales.
Nous réfléchirons donc au sein de ce numéro sur les types de médiations et de conseil pouvant être proposés dans ces types de cas problématiques. Le thème de la gouvernance sera ainsi abordé. Lorsque l’entreprise familiale traverse les générations et que le nombre d’actionnaires augmente, comment faire pour que tout le monde y trouve sa place et exprime son talent ? Comment maintenir un lien fécond, une affectio familiae qui rassemble les actionnaires et membres d’une famille au sein d’un projet familial ou de plusieurs projets différents ? Mais aussi, comment maintenir l’esprit entrepreneurial au travers des générations, voire des siècles ? Rappelons qu’en France, seulement 17% des transmissions se font à l’intérieur d’une famille contre 65% en Allemagne. Nous aborderons ainsi le thème de la transmission d’une entreprise familiale et comment elle peut bien se passer, ou pas, en fonction de la légitimité qui peut se construire, du lien avec celui ou celle qui part et aussi de la capacité au repreneur à savoir s’entourer.
Au sein du numéro, nous pourrons ainsi découvrir les articles suivants :
- Vincent Calvez, à travers le cas d’une des plus anciennes entreprises familiales au monde, le joaillier Mellerio dits Meller nous invite à découvrir une saga entrepreneuriale et artistique qui permet de comprendre des éléments constitutifs de sa résilience et de sa pérennité.
- Mariem Hannachi, dans son article : Pérennité de l’entreprise familiale : Rôle du transfert de l’esprit entrepreneurial entre les générations, nous fait suivre une entreprise à travers plusieurs générations afin de voir comment s’imbriquent la stratégie de l’entreprise, sa culture, mais aussi son esprit entrepreneurial. Et surtout, comment il peut se transmettre au fil des générations à travers le subtil équilibre entre le respect de l’identité et la conscience de la nécessité d’innover sur des marchés qui se transforment.
- Avec « Entreprises familiales : compétences individuelles et habiletés collectives pour une gouvernance équilibrée », Xavier Gautier et Fanny Gautier, proposent une synthèse de plus de 30 ans de pratiques de conseil auprès des entreprises familiales françaises et étrangères. Les enjeux de la bonne gouvernance d’un système familial sont en effet cruciaux et ils peuvent influencer la stratégie de l’entreprise comme sa mise en œuvre et sa pérennité. Cet article donne à voir une grille de lecture visant à dénouer des situations critiques de même qu’une intelligente boîte à outils composée de compétences individuelles et collectives à acquérir.
- Valérie Tandeau de Marsac, nous présente ensuite, dans son article : « Proposition d’une définition innovante des entreprises familiales selon le modèle des 3C », un modèle composite et innovant de définition des entreprises familiales, issu non seulement de sa thèse de doctorat mais aussi de sa riche expérience : le modèle des 3 C, soit le Contrôle, la Continuité et le Capital social.
- Dans son article, Le cas de la brasserie Pietra, ou l’entrepreneuriat ancré dans son écosystème : le modèle symbiotique, un levier régénératif pour l’entreprise, Romain Moretti propose d’analyser les effets vertueux d’une manière d’entreprendre épousant les contraintes et les opportunités de l’environnement social, économique et écologique.
- Finalement, Soufyane Frimousse et Jean-Marie Peretti nous expliquent pourquoi, dans ce monde changeant et complexe, les PME et ETI familiales peuvent s’avérer un modèle inspirant.
Vous l’aurez compris, ce numéro spécial est destiné à nourrir d’intelligence nos réflexions sur les entreprises familiales de nos territoires afin de renforcer leur impact au service de l’économie et de l’emploi pérenne. Il me paraissait en effet important de faire entendre également au sein de ce numéro des voix complémentaires, provenant autant du monde académique que des experts hautement qualifiés qui sont au chevet des entreprises familiales depuis longtemps. Je remercie Messieurs Jean-Marie Peretti et Soufyane Frimousse pour leur soutien et leur confiance lors de la réalisation de ce numéro. Bonne lecture !
QUESTION(S) DE MANAGEMENT – N°54
« Les entreprises familiales en question(s) »
Ce numéro consacre également un cahier spécial aux entreprises familiales et aux enseignements qu’elles offrent face aux dynamiques actuelles du monde des affaires.
Les chercheurs et membres affiliés de l’Institut des entreprises familiales de l’ESSCA ont été invités à répondre à la question suivante : « À l’heure des start-up et des GAFAM, quels enseignements peut-on tirer des PME et ETI familiales ? » Leurs contributions sont accessibles ici.