Cher Simon, Selon Boris Johnson, l’ex maire conservateur de Londres, l’Union Européenne suivrait les traces d’Adolf Hitler et de Napoléon Bonaparte. C’est un peu gros, non ? Comment faut-il interpréter ces remarques ? Et, d’ailleurs, quelle est l’attitude de son successeur Sadiq Khan dans la campagne du Brexit ?


Napoléon, Hitler, et les maires de Londres

Ce que  Boris Johnson a déclaré lors d’une interview accordée au  Sunday Telegraph le 15 mai, c’est qu’afin de construire un « super état européen », l’UE utilisait certes des « méthodes différentes » de celles employées par Napoléon ou Adolf Hitler, mais bien pour parvenir au même objectif.

Boris Johnson n’est pas fou quoique certains puissent dire et penser. Il faut avoir à l’esprit qu’il a été élu maire de Londres par deux fois et qu’il est l’une des personnalités à qui l’opinion fait le plus confiance quant au débat sur l’Union européenne. Alors lorsqu’il fait référence à Adolf Hitler et aux Nazis, il le fait en toute conscience et de manière réfléchie. Il y a trois raisons à cela. Tout d’abord, et plutôt accessoirement, cela fait écho à quelque chose que certains Britanniques pensent véritablement : à savoir que l’Allemagne est un grand pays et que l’intégration européenne n’est pour elle qu’une manière d’obtenir ce qu’elle veut. Mais plus important encore, ce commentaire de Boris Johnson signifie qu’il a préparé un plan pour les jours à venir.

C’est une version de la stratégie du « pavé dans la mare » ou – expression bien de chez nous – du « chat mort jeté sur la table », une métaphore qui signifie l’irruption dans le débat d’un objet dégoûtant à l’odeur nauséabonde qui attire sur lui toute l’attention, peu importe si c’est quelque chose d’insignifiant ou d’inacceptable. La stratégie du « chat mort sur la table » a permis à Boris Johnson de détourner le débat et de repousser les attaques contre les partisans du Retrait quant à leurs prédictions économiques.

Enfin, cela lui permet aussi de continuer à capter l’attention du public et des médias. Le sentiment général est qu’il utilise le referendum comme marchepied pour prendre la tête du parti conservateur, ou devenir Premier Ministre, ou les deux. Il fait sienne la maxime selon laquelle « toutes publicité est bonne à prendre » (même la mauvaise) et on peut s’attendre à ce qu’il provoque bien d’autres controverses. En ce qui concerne la nette victoire de Sadiq Khan à la mairie de Londres, elle a été largement perçue comme son adoubement par une ville de Londres multiculturelle et intégratrice, et en particulier à la lumière des fortes critiques que Khan a dû essuyer sur ses prétendus liens avec les extrémistes. Le contraste qu’il a opposé à son prédécesseur Boris Johnson et à son principal concurrent Zac Goldsmith, était très net et a très bien fonctionné sur une ville de Londres qui a tendance à pencher à gauche.

Quoiqu’il en soit cela n’aura que peu d’influence sur le referendum. Pour commencer, Khan a construit son image publique bien loin du parti. Il n’est pas un allié naturel de Jeremy Corbyn et il sera attentif à faire campagne sans s’afficher plus qu’il ne faut aux côtés du leader du parti. De la même manière, sachant que Londres est l’une des régions les plus pro-européennes du Royaume-Uni, Khan n’entamera pas plus que nécessaire son capital politique pour pour un acquis qui – bien qu’important – n’est que qu’une partie de ce qui façonne la ville de Londres. Pour résumer : on risque bien moins, dans les semaines à venir, d’entendre parler de l’actuel maire de Londres que de son prédécesseur…


Simon-Usherwood-03Simon Usherwood est professeur en sciences politiques à l’Université de Surrey. Les BreXing News regroupent en un blog des analyses et des points de vue publiés durant la campagne référendaire au Royaume-Uni par l’EU-Asia Institute de l’ESSCA. Download the English version of this post. Aller aux BreXing News précédentes.  

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