Le débat actuel sur le Brexit, et le référendum quant à la possible sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne, qui se tiendra le 23 juin prochain, possède en réalité un parfum de déjà-vu. Un débat quasiment identique fit rage en 1975. Edward Heath, le Premier Ministre d’alors, conservateur, avait négocié en 1973 l’adhésion de son pays à la « Communauté européenne » (comme fut nommée la CEE d’alors sur le bulletin de vote). L’année qui suivit, cependant, son gouvernement ne résista pas à la grève des mineurs. La campagne électorale fut menée et remportée par le parti travailliste sur la promesse que les termes de l’adhésion seraient « renégociés » – cela ne vous évoque rien ? – et qu’un référendum aurait lieu. En fait, rien ou presque ne changea dans la mouture travailliste des termes de l’adhésion par rapport au contrat d’accession à la Communauté européenne qui avait été négocié par le Gouvernement conservateur de Heath.

Et ceci devint très clair lors d’une intervention au Parlement par une dénommée Margaret Thatcher, tout nouveau leader de l’Opposition, lors de laquelle elle se révéla en accord à tous points de vue, avec la position du Premier Ministre travailliste quant aux conditions du maintien de l’adhésion britannique : Le premier Ministre [Harold Wilson] sait-il que nous saluons sa décision de recommander que nous restions dans le Marché Commun ? Nous accueillons également avec satisfaction sa déclaration selon laquelle il n’a pas été nécessaire de modifier une seule des clauses fondamentales des traités pour mener ces négociations, déclaration selon laquelle encore les négociations ont été effectuées en respectant ces clauses et alors que l’’on peut s’attendre à ce que d’autres améliorations soient apportées au fur et à mesure, dans le cadre desdites clauses. Sait-il que nous saluons également sa déclaration selon laquelle presque tous les pays du Commonwealth souhaitent que nous demeurions dans le Marché Commun et que les relations privilégiées que ce pays entretient avec les Etats-Unis n’en seront changées d’aucune manière, et que, au contraire, il a l’intention de les renforcer ? C’est dans ce (doux) climat de parfaite harmonie que le référendum se tint le 5 juin 1975. 67.23 % des Britanniques votèrent OUI et le Royaume-Uni maintint son adhésion au Marché Commun. Au moins pour les 41 années qui suivirent. Ce précédent historique montre clairement qu’il existe un schéma récurrent dans la politique britannique. L’opposition aime à brandir le bâton de « l’Europe » contre le Gouvernement, notamment parce qu’elle est dans la position confortable de celui qui n’a pas à assumer des responsabilités gouvernementales. La politique britannique européenne a toujours été sujette aux contestations internes – contrairement à la France ou l’Allemagne, où les principaux partis ont, au cours des décennies, établi un consensus en faveur de l’intégration européenne. La métamorphose de Thatcher – de fervente supportrice de la Communauté européenne qu’elle incarne au travers de ce discours, en Dame de fer qui intimera à ses partenaires européens de remettre l’argent dans son porte-monnaie – est l’un de ces retournements de veste spectaculaires concernant l’intégration européenne qu’opèrent les politiques britanniques une fois qu’ils accèdent au pouvoir.  


Thomas-HOERBERThomas Hoerber est professeur en études européennes à l’ESSCA,  spécialiste de l’histoire de l’intégration européenne. Thomas publie régulièrement sur des thématiques allant des questions environnementales à la politique spatiale européenne. Les BreXing News regroupent en un blog des analyses et des points de vue publiés durant la campagne référendaire au Royaume-Uni par l’EU-Asia Institute de l’ESSCA. Download the English version of this post. Aller aux BreXing News précédentes.

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