Ce n’est pas tant que les Britanniques s’intéressent à ce que pensent les Français du Brexit. D’ailleurs, les Français eux-mêmes ne s’en préoccupent pas vraiment. Ils ont d’autres chats à fouetter : troubles sociaux, assassinats terroristes, hooliganisme violent. Étonnamment, il n’y a eu que peu d’études d’opinion dans ce pays pourtant obsédé par les sondages, et si les sondages britanniques sont cités et analysés dans quelques média, Le Monde vient de résumer la situation en haussant les épaules : « En France, le Brexit ne fait ni débat ni consensus ». Pour d’autres, comme le mensuel économique Capital, le haussement d’épaules revêt une autre signification : « Le Brexit ? Pas forcément une mauvaise nouvelle !  »

Dans ce contexte, il est intéressant de se pencher plus avant sur certaines données, aimablement mises à disposition par Céline Bracq et Gaël Sliman de l’institut de sondage Odoxa. Le sondage qu’ils ont mené il y a plusieurs semaines pour le quotidien  Le Parisien, montre qu’une majorité de citoyens français préféreraient que le Royaume-Uni reste dans l’Union. Mentionné de manière succincte et un peu superficielle dans le Financial Times, le sondage semble n’avoir provoqué aucune réaction notable de l’autre côté de la Manche.

Ceci dit, qui, en Grande Bretagne, se soucie de ce que les gens pensent sur le continent ? Comme on pouvait s’y attendre, les données concernant le positionnement de la France vis à vis d’un potentiel Brexit en dit plus sur les Français eux-mêmes que sur le rôle du Royaume-Uni dans l’Europe. Sans surprise, ils sont très partagés à la fois sur l’adhésion britannique et sur bien d’autres sujets européens. L’une des questions posées demandait si le référendum sur le Brexit était “un événement d’importance en Europe”.

Il se trouve que le référendum est effectivement jugé important et ce par toutes les tranches d’âges (environ 65%), mais avant tout parmi les plus de 65 ans (79%). Comme pour quasiment tout ce qui touche à l’Europe, plus le revenu par foyer est important, plus l’intérêt parmi les répondants est fort. Plus intéressante, mais pas vraiment surprenante pour ceux qui s’intéressent aux attitudes françaises depuis le référendum de 2005, c’est la divergence d’opinion entre les votants des grands partis (plus de 80% à considérer l’événement important, droite et gauche confondues), et les votants du Front national et de l’extrême gauche, chez qui le pourcentage est nettement plus faible. La comparaison avec d’autres pays européens est également pertinente.

Il apparaît que les Français seraient moins opposés à un Brexit que les Italiens, les Allemands ou les Espagnols  (où 65% à 76% des répondants sont favorables au maintien de l’adhésion britannique). En France, seulement 54% adoptent ce positionnement. Il semble également que leur patience soit en train d’atteindre ses limites : lors d’un sondage similaire en 2013, 58% voyaient le Brexit d’un mauvais œil, aujourd’hui seulement 42% se déclarent contre. En définitive, indépendamment de la question du Brexit, le sondage prend la température de l’opinion vis à vis de l’Euro. Mauvaise nouvelle pour le Front national : 68% des Français sont déterminés à conserver l’Euro. En imaginant un hypothétique référendum sur le « Frexit », ou « Franxit » si vous préférez, ce serait là un score que les partisans du maintien auraient bien du mal à atteindre. Paradoxal ? Pas dans l’esprit français, visiblement.


Albrecht Sonntag (2)Albrecht Sonntag, director of the EU-Asia Institute. Les BreXing News regroupent en un blog des analyses et des points de vue publiés durant la campagne référendaire au Royaume-Uni par l’EU-Asia Institute de l’ESSCA. English version of this post here. Aller aux BreXing News précédentes.  

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