Couverture_ouvrage_ANRTrois questions à Hélène Le Bail, co-éditrice d’un ouvrage collectif en japonais intitulé « Repenser la xénophobie – Exclusion, discrimination et participation en France » :

Cet ouvrage collectif qui vient de paraître et que vous co-dirigez est le fruit d’un projet de recherche franco-japonais que vous avez conduit au Japon. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? 

Il y a 5 ans, alors que je m’installe pour un quatrième séjour de recherche au Japon, séjour qui allait durer trois ans, je retrouve plusieurs collègues spécialistes des questions migratoires et identitaires en France. L’idée naît de monter un projet de recherche franco-japonais où les membres seraient tous capables de faire du terrain dans les deux pays. Ainsi, nous aurions un réel débat entre nous sans nous limiter à une juxtaposition d’études de cas japonais et français. Nous avons obtenu un financement sur trois ans, ANR côté français et JSPS côté japonais.

Cet ouvrage est en fait le second résultat de notre coopération. En 2013, nous avons commencé par faire des terrains au Japon et j’ai codirigé avec Chikako Mori un numéro spécial de la revue à comité de lecture Hommes et Migrations intitulé « Le Japon: pays d’immigration? » .

Un livre en japonais sur la France ? Y a-t-il un public pour un tel ouvrage ?

Nous avons du mal à imaginer que chaque année, il y a plusieurs dizaines d’auteurs francophones contemporains en sciences humaines et sociales qui sont traduits en japonais. Côté français, ou occidental en général, nous faisons au contraire preuve d’un véritable désintérêt pour ce qui s’écrit là-bas dans ces domaines, à l’exception peut être de la philosophie.

Parmi les nombreux ouvrages traduits, la France est un sujet d’intérêt pour tout ce qui touche aux questions migratoires, mais aussi aux questions de mobilisation sociale.

Les logiques d’exclusion et de re-création de lien social sont-elles les mêmes en France qu’au Japon ? Après les années passées dans ce pays, quel est votre impression ?

Malheureusement oui, les logiques d’exclusion sont assez similaires, surtout en période de ralentissement économique et de creusement des inégalités. C’est pourquoi notre ouvrage s’ouvre sur le texte d’une économiste, Florence Jany-Catrice, qui s’interroge sur la survalorisation de la croissance et de la performance par rapport à d’autres indicateurs de bien vivre et en particulier du « vivre-ensemble ». La notion de vivre-ensemble est depuis plusieurs  décennies analysée et promue au Japon.

Ceci n’empêche pas d’assister, comme en France, au renouveau d’idéologies xénophobes. Ainsi, les assassinats des dessinateurs de Charlie Hebdo en janvier 2015 on eu des échos complexes au Japon alors que le « hate speech »  se banalise à l’égard des descendants des colonisés coréens. Vous aurez remarqué ci-dessus que c’est une photo de la grande manifestation à Paris du 11 janvier 2015 que l’éditeur a choisi pour la couverture. Ceci souligne combien la France est une référence sur les questions de migration et de « vivre ensemble », malheureusement une référence à la fois négative – le vivre ensemble peut apparaître dangereux – et positive – la France étant capable de débattre en profondeur sur ces questions. Pour le meilleur, j’espère, ou pour le pire, notre ouvrage aura assurément beaucoup de lecteurs japonais.

 

« Repenser la xénophobie – Exclusion, discrimination et participation en France »

Sous la direction de : Yûji Nakano, Chikako Mori, Hélène Le Bail, Shintarô Namioka, Daisuke Sonoyama.

Publié chez Keisô shobo (Tokyo), 2015, 252 p.

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