Après une campagne électorale considérée pourtant comme « la plus transparente » de l’histoire du pays, grâce à l’application d’une nouvelle loi électorale, les élections parlementaires en Roumanie du dimanche 11 décembre ont marqué la victoire du populisme, du clientélisme et de l’apathie politique, face à la réforme, au constitutionnalisme et à la lutte contre la corruption. Loin d’être une surprise, cette nette victoire électorale remportée par le Parti Social Démocrate (PSD) fait suite à son succès dans les élections municipales de juin dernier.
 

Ce qui est remarquable, c’est qu’avec 45% du vote le PSD a remporté plus que le double du nombre des voix exprimées en faveur de son plus important adversaire idéologique, le Parti National Liberal (PNL), qui se situe en deuxième place avec seulement 20% des voix. Si aux élections municipales de juin, les résultats des deux parties étaient plus équilibrés, le mandat le plus important, celui de Maire de Bucarest, avait déjà été gagné par le PSD, ce qui a signalé pour beaucoup de commentateurs politiques une montée en popularité. Ce signal d’alerte a été ignoré par le PNL.

 
Le PSD doit cette victoire décisive à la stabilité de son électorat rural et âgé, qui accepte ses promesses électorales même si ces dernières n’ont pas de fondement économique et qui n’est pas réceptif au discours anti-corruption qui traverse le pays. Cela lui a permis la nomination sur les listes électorales de plusieurs membres du PSD qui ont des dossiers pénaux en cours. Le chef du PSD lui-même, Liviu Dragnea, a déjà été condamné à deux ans de prison avec sursis pour fraude électorale…
 
C’est aussi pour cette raison qu’il a finalement renoncé au poste de Premier ministre, puisqu’une loi de 2001 interdit à toute personne ayant des démêlés avec la justice de faire partie du gouvernement.. Après un véto présidentiel sur la première candidate avancée par lui, c’est Sorin Grindeanu (43 ans) qui a été chargé de mener le gouvernement.
 
La participation particulièrement basse au vote – seulement 39% – a été bénéfique pour le PSD dont l’électorat est plus discipliné. En termes de mathématiques électorales, le PSD ne doit pas être inquiet. Il a déjà conclu une alliance pré-électorale informelle avec l’Alliance des Libéraux et des Démocrates (ALDE) avec qui ils peuvent former un gouvernement de coalition avec une majorité au Parlement.
 
Pour sa part, le PNL considère que la cause de son échec électoral fut la scission récente du centre-droite. Il est vrai que l’émergence d’un nouveau parti sur la scène politique, lUnion ‘Sauvez la Roumanie’ (USR), a changé la donne.  Cette ancienne ONG transformée en parti politique il y a six mois a remporté 8.92% du vote, principalement dans les milieux urbains et parmi les classes moyennes et les jeunes. Leur plateforme électorale a été basée sur la critique de l’ensemble de la classe politique et sur la promotion de l’Etat de droit, de la transparence dans la vie politique et de la lutte contre la corruption. Ce type de message a résonné d’une manière profonde avec un secteur de la population qui a naturellement des penchants politiques plutôt libéraux, mais qui ne fait pas pour autant confiance aux représentants officiels du PNL. En plus, ALDE, un parti libéral formée en 2015, a déchiré encore d’avantage le camp du centre-droite. Ayant comme co-président un ancien Premier ministre compromis, lui aussi, par un dossier pénal (Calin Popescu Tariceanu), ALDE a gagné 5.58% du vote.
 
Le seuil électoral de 5% a limité le nombre des partis au Parlement à six, avec une répartition des votes très similaire pour les deux chambres du Parlement.
 
Dans l’immédiat, la question la plus importante semble être la composition de l’équipe gouvernementale du PSD-ALDE, mais surtout le désir politique de continuer la lutte contre la corruption et de maintenir l’Etat de droit. A peine arrivé au pouvoir, le PSD envisage déjà un changement de la législation concernant la corruption politique ! Ce qui a motivé – événement tout à fait inouï – le Président de la République de se joindre personnellement aux manifestants qui sont d’ores et déjà en train de descendre dans la rue contre ce projet de loi fallacieux. On peut s’attendre à une année 2017 mouvementée !


Simona DAVIDESCU, Research Associate , Research Associate of the EU-Asia Institute (ESSCA School of Management)

Simona Davidescu est docteur en sciences politiques. Elle enseigne à l’Université de York et est chercheure associée à l’EU-Asia Institute. Sa recherche porte notamment sur le développement durable et les énergies renouvelables, ainsi que sur l’évolution politique de l’Europe centrale et orientale.

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