Le 7 mai prochain, le Royaume-Uni tiendra ses élections générales. Dans une série de mails, Simon Usherwood, professeur en sciences politiques à l’Université du Surrey, nous en décortique les enjeux principaux.

Dear Simon,

Il est difficile de juger, depuis l’étranger, les qualités de leadership de David Cameron. A-t-il été un premier ministre particulièrement faible ou plutôt un bon « navigateur en eaux troubles » ?

La meilleure approche pour comprendre David Cameron est de partir du principe qu’il n’a pas de convictions fortes. En fait, il en a – comme l’atteste par exemple son soutien infaillible au mariage homosexuel – mais la plupart du temps, il obéit à des impératifs tactiques.

Le premier ministre devant le célèbre 10, Downing Street.

Le premier ministre devant la porte d’entrée de sa résidence au 10, Downing Street.

Qui plus est, sa souplesse (ou mollesse, c’est selon), a été exploitée par d’autres, y compris dans son propre parti. Ses stratégies politiciennes sont donc partiellement dues au fait qu’il doit manier les susceptibilités dans une coalition gouvernementale, ce qui rend plus difficile la poursuite d’objectifs fondés sur une idéologie claire. Mais surtout, cela correspond bien à sa personnalité : il est guidé par le sentiment que tout peut toujours s’arranger et qu’il y a toujours moyen de choisir son chemin en marchant. On pourrait dire que c’est une façon de faire tout à fait raisonnable pour quelqu’un qui doit concilier un large éventail d’intérêts conflictuels et gérer des événements surprise, mais en même temps, cela ne fixe aucun cap lisible et produit une ligne politique peu rassurante. (Toute ressemblance avec des leaders politiques voisins est purement fortuite…)

Les « backbenchers » – les députés du second rang qui n’ont pas de responsabilité dans le gouvernement – n’ont eu de cesse de le bousculer sur des politiques diverses et variées, surtout sur l’Europe. Comme beaucoup de partis de droite, les Conservateurs britanniques tiennent avant tout à préserver le pouvoir, peu importe qui le leur assure. Ils n’hésiteraient pas une seconde à se défaire de Cameron lorsqu’ils auront décidé qu’il est devenu un fardeau électoral (comme ils l’ont fait avec Margaret Thatcher). Par conséquent, une grande partie du travail de Cameron est dédiée à caresser ces députés dans le sens du poil.

Tout cela a plutôt éclipsé son bilan de gouvernement, malgré son succès apparent dans le redressement économique ces dernières années. Il faut dire que sa concentration sur la politique nationale l’a empêché de développer un fort profil international, un manque renforcé par sa réticence à trop s’engager dans des aventures à l’étranger. S’il devait perdre les élections, il ne manquerait sans doute pas beaucoup à ses homologues sur la scène internationale.

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Aller aux “Mails d’Europe” précédents.

Simon Usherwood est politologue,
il enseigne les études européennes à l’Université du Surrey.
Spécialiste des partis politiques britanniques,
il est l’auteur d’un blog remarqué sur l’euroscepticisme.

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