Le 7 mai prochain, le Royaume-Uni tiendra ses élections générales. Dans une série de mails, Simon Usherwood, professeur en sciences politiques à l’Université du Surrey, nous en décortique les enjeux principaux.

Dear Simon,

Quels sont les thèmes qui dominent cette année la campagne électorale britannique ?

Comme toujours lors d’une campagne électorale –au Royaume-Uni ou ailleurs– il y un décalage entre les thèmes sur lesquels les partis ont envie de faire campagne et ceux que le public leur impose.

Pour les deux grands partis, les lignes sont claires depuis un bon moment.

Les Conservateurs se concentreront sur le bilan économique et la bonne nouvelle de la sortie de la récession. Ils souligneront que le fait de ne pas être contraint par le corset d’une union monétaire a permis au gouvernement d’appliquer des mesures d’austérité radicales qui semblent porter des fruits.

Les Travaillistes, pour leur part, préfèrent parler des services publics, notamment du système de santé, le National Health Service, un thème chargé d’émotion pour les Britanniques sur lesquels ils arrivent à battre les Conservateurs dans tous les sondages. Cette stratégie leur permet autant de taire leur rôle dans la politique qui a mené vers la crise économique de 2008 que de désigner les Conservateurs comme « le parti sans cœur ».

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Stanstead airport (Photo wikimedia commons).

Si ce sont là effectivement des thèmes qui intéressent le public, ce dernier semble actuellement plus préoccupé par autre chose. Depuis quelque temps, les inquiétudes liées à l’immigration – notamment en provenance d’Europe centrale et orientale – sont placées en haut de la liste par les enquêtes d’opinion. Pas évident pour les grands partis de se saisir de ce sujet, car ils craignent que tout ce qui ressemble à de la xénophobie, voire du racisme, sera durement sanctionné par les électeurs.

C’est pour cette raison que le seul parti qui parle tout le temps de l’immigration – l’UKIP – impose son discours, pendant que les autres s’appliquent à dénoncer ses préjugés nationalistes. Or, comme en France et ailleurs, leur stratégie ne marche pas, puisqu’elle permet à l’UKIP d’en tirer bénéfice en prétendant être les seuls à « parler vrai ».

Tout cela masque cependant une vérité plus profonde, à savoir qu’il n’y a pas grand-chose qui distingue les deux grands partis. En fait, derrière des grandes disputes de façade se cache une idée très consensuelle de la société et de l’économie. Il en résulte que la personnalité des candidats devient un enjeu toujours plus important. Tout le brouhaha actuel sur la question de savoir si et comment les leaders devraient conduire des débats télévisés en est une bonne illustration. On peut le regretter, mais d’ici le mois de mai, les grandes questions de société seront éclipsées par les questions de personnalité et de leadership.

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Simon Usherwood est politologue,
il enseigne les études européennes à l’Université du Surrey.
Spécialiste des partis politiques britanniques,
il est l’auteur d’un blog remarqué sur l’euroscept

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