Pouvons-nous dire quelque chose du monde d’après l’épidémie de Covid-19 en nous fondant uniquement sur la place de l’épithète nouveau à côté du substantif monde, c’est-à-dire en considérant seulement la syntaxe de l’adjectif, la forme du groupe nominal à laquelle il appartient ? Dans notre article précédent, nous avons abordé la pertinence de cette hypothèse syntaxique de façon oblique, en avançant des raisons de penser que les expressions « nouveau monde » et « monde nouveau » auraient un sens équivalent. Mais l’hypothèse syntaxique est légitime. En témoigne cette question posée en 1786 par l’abbé Roubaud (1730-1792) à propos des adjectifs qui peuvent se placer avant ou après un nom :

« La manière de placer ces adjectifs produit-elle quelque différence dans le sens de la chose ou dans la valeur de la locution ? » (1)

En témoigne également l’observation de Dumarsais (1676-1756), citée par Roubaud :

« Cette position de l’adjectif devant ou après le substantif est si peu indifférente, qu’elle change quelquefois entièrement la valeur du substantif, ou plutôt celle de l’adjectif […]. Mais il nous suffit qu’elle opère un changement d’idée et de sens. » (2)

Dans cet article, nous examinons plus précisément l’hypothèse syntaxique (sections 1 et 2), y compris pour l’adjectif nouveau (section 3), avant de proposer trois explications à l’emploi de nouveau monde et de monde nouveau à propos de l’épidémie du Covid-19 (section 4).  

1. Considérations générales

Deux indices, qui figuraient dans notre premier article, jouaient déjà en faveur de l’hypothèse syntaxique. D’abord, le fait que, sur le fondement d’une recherche simple menée sur Google, les occurrences de nouveau monde étaient quatre fois plus fréquentes que celles de monde nouveau – un fait qui, en lui-même, n’apporte pas de crédit à notre hypothèse, mais qui laisse ouverte la possibilité que les locuteurs aient eu des raisons particulières, certainement non conscientes, d’antéposer ou de postposer l’épithète, même si ces raisons ne sont pas aisément discernables.

Le deuxième indice est la remarque, d’ordre grammatical, du CNRTL, selon laquelle « nouveau est souvent postposé au substantif dans les emplois correspondants [au sens suivant : qui vient d’apparaître] et souvent antéposé dans les emplois [relatifs au sens suivant : qui s’ajoute à ou remplace une chose de même type (en étant ou non tout à fait semblable) ; qui renaît, reparaît] », le CNRTL ajoutant toutefois que « son sens dépend moins de sa place que du contenu ». Cette dernière observation, qui a une nature empirique, suggère que la place de l’adjectif pourrait obéir à des règles précises. Examinons succinctement cette hypothèse.

Après avoir rappelé que « la postposition de l’adjectif épithète est la règle en français moderne » – c’est « l’ordre commun », selon les mots de Roubaud – et que des adjectifs sont systématiquement antéposés (par exemple les adjectifs numéraux – premières heures du jour) ou postposés (par exemple les adjectifs de couleur – chemise blanche – ou ceux dérivés d’un nom – monde capitaliste), Yves Saint-Gelais note que certains adjectifs peuvent être placés avant ou après le nom qu’ils accompagnent (3). Dans ce dernier cas, leur place peut être appréciée de deux façons.

Selon la première, l’antéposition de l’adjectif lui confère une « valeur d’appréciation subjective ». Par exemple, dans la transformation d’égarement regrettable en regrettable égarement, proposée par Saint-Gelais, l’antéposition de regrettable véhicule l’idée que le locuteur condamne l’égarement en question.

La seconde interprétation repose sur l’idée que « la valeur qualifiante de l’adjectif semble changer radicalement dans l’une ou l’autre position ». Ce changement radical peut prendre deux formes : soit l’antéposition conduit à une opposition de sens, comme dans union sacrée et sacrée union ; soit le sens de l’adjectif diffère, ce qu’illustre la différence sémantique entre élève bon et bon élève (4).

L’idée que l’antéposition de l’épithète aurait une valeur subjective, c’est-à-dire reflétant la perspective du locuteur, alors que sa postposition aurait une valeur objective, est mentionnée par Maurice Grévisse et André Goosse (5). Ils ajoutent cependant trois autres explications de l’antéposition de l’épithète : une plus grande unité de pensée, une information banale et attendue, un caractère plus général et imprécis. Voici le passage en question :

« Les linguistes ont essayé de trouver les principes généraux qui déterminent la place des épithètes. L’épithète est objective quand elle suit ; subjective quand elle précède. La combinaison adjectif + nom est sentie comme une unité de pensée, ce qui n’est pas le cas lorsque l’adjectif suit. L’épithète postposée apporte une information nouvelle ; antéposée, elle n’est qu’une qualification banale, attendue. Les adjectifs ordinairement antéposés ont un sens assez large, par conséquent apportent une information peu précise et sont applicables à beaucoup de circonstances. »

Des interprétations plus contemporaines ont été proposées sur la fonction de l’adjectif dans le groupe nominal, y compris des perspectives cognitives (6), mais nous allons nous arrêter sur la seconde interprétation, celle de la différence fondée sur l’unité ou le fractionnement de la pensée qui est communiquée par un groupe nominal comprenant un substantif et un adjectif.  

2. Unité ou fractionnement de la pensée

Dans la 11ème édition du Bon usage (7), Maurice Grévisse précisait que, lorsque l’épithète est antéposée, l’adjectif et le nom coopèrent sémantiquement pour former une idée commune :

« L’adjectif épithète se place avant le nom lorsque, sans être entrée dans la syntaxe figée, la combinaison adjectif + nom est très fortement sentie comme une unité de pensée : il y a alors un seul accent d’intensité. Mais lorsque la combinaison du nom et de l’adjectif n’est pas sentie comme une seule unité de pensée et que chacun de ces mots est frappé d’un accent d’intensité, l’adjectif épithète se place après le nom ; toutefois il peut le précéder s’il a beaucoup de force affective. »

Cette interprétation est mentionnée par Marc Wilmet dans l’un de ses articles sur la place de l’épithète dans la langue française (8). Avant de proposer sa propre analyse, fondée sur des données expérimentales, il résume quatre explications traditionnelles des différences de localisation de l’épithète dans le groupe nominal : les explications à caractère sémantique, stylistique, culturel et philosophique. Dans la première catégorie se trouve l’explication fondée sur l’unité de pensée que nous avons mentionnée. Selon elle, l’antéposition tend à réunir l’adjectif et le nom, tandis que la postposition tend à les séparer :

« L’ordre Adjectif – Substantif amalgame l’épithète et le substantif en un concept unique, [tandis que] l’ordre Substantif – Adjectif cloisonne l’épithète et le substantif dans deux domaines conceptuels ».

Wilmet propose un exemple mettant en scène l’adjectif savant et le substantif amoureux – sans doute inspiré de l’article « Savant homme, Homme savant » de l’abbé Roubaud. Lorsque savant est antéposé, le groupe nominal savant amoureux désigne un amoureux disposant d’un savoir spécifique au domaine de l’amour – un « expert en amour ». Le sens des deux concepts est unifié. Lorsque savant est postposé, le groupe nominal amoureux savant communique deux idées distinctes : d’une part, le substantif en question est un amoureux ; d’autre part, cet individu qui se trouve être un amoureux dispose d’un grand savoir, d’une somme de connaissances qui ne se réduit pas au domaine de l’amour. Dans la postposition, le sens du groupe nominal est fractionné. (9)

Dans le sillage de cette explication, Joëlle Gardes Tamine affirmait en 2005 que, dans l’antéposition, le nom porte un « accent de groupe », alors que l’adjectif joue un rôle subordonné, « [perdant] du même coup de sa force sémantique au profit d’une valeur impressive » (10) – une valeur que Françoise Vreck qualifie d’intensive (11).  

3. L’adjectif nouveau

Abordons maintenant le cas de l’adjectif temporel nouveau, qui porte sur « des choses qui viennent de paraître, qui ne sont pas connues depuis longtemps » (12), et à propos duquel il est dit que, « quelquefois, [il] prend des sens très différents, selon qu’il est placé avant ou après le substantif » (13).

Dans Le Grand Larousse de la Langue Française, Henri Bonnard fait la remarque suivante à propos de sa place dans le groupe nominal :

« On notera que nouveau, selon la place qu’il occupe – avant ou après le nom –, a souvent un sens différent : une robe nouvelle, une robe d’une mode récente, et une nouvelle robe, une autre robe ; un nouveau vin, un vin différent de celui que l’on vient de boire, et du vin nouveau, du vin de la dernière récolte. En principe, nouveau placé après le nom est employé au sens propre et fort. » (14)

« Au sens propre et fort » renvoie au fractionnement de l’unité de pensée que nous évoquions ci-dessus. Dans la postposition, l’adjectif nouveau conserve sa valeur sémantique. C’est ce qu’observe Wilmet quand il affirme que nouveau fait partie de ces adjectifs qui, en s’antéposant, « sacrifient » leur autonomie (15). Dans le même ordre d’idées, Bonnard note que l’antéposition a lieu quand l’épithète ne remplit pas une fonction qualificative, mais une fonction de détermination. C’est le cas de l’énoncé un nouveau film de Bergman, qui situe ou détermine le film en question dans la séquence temporelle des films réalisés par ce metteur en scène (16).

Mais l’antéposition et la postposition sont également associées au contexte auquel le groupe nominal fait référence. Ce contexte peut être restreint ou large – une distinction qui ne coïncide pas nécessairement avec celle qui oppose le particulier au général. L’exemple suivant, dû à Wilmet, permet d’illustrer cette différence contextuelle :

« Une nouvelle voiture substitue un véhicule x à y ; une voiture nouvelle ne quitte pas x : une ‘auto neuve’. » (17)

On retrouve ici la distinction du CNRTL : nouveau est souvent antéposé dans des cas où une chose s’ajoute ou remplace une chose de même type (la voiture x remplace la voiture y) et postposé dans des cas où une chose vient d’apparaître (la voiture x). Mais cette distinction ne suffit pas. Il convient de lui ajouter la référence aux contextes qui sont activés par les deux expressions.

C’est ce que Maria Howden a proposé dans un texte publié en 1979. Elle y discute de l’exemple de la voiture, mais en soulignant l’importance du contexte. Il est, selon elle, supposé lorsque l’épithète nouveau est antéposée (nouvelle voiture) (18). Howden remarque en effet que la voiture est nouvelle pour la personne qui l’achète. Par contraste avec voiture nouvelle, qui possède un caractère général, le contexte de nouvelle voiture est restreint par le fait que la voiture en question est une voiture particulière possédée par une personne particulière :

« En d’autres termes, il existe toujours un contexte présupposé auquel une voiture particulière est comparée. L’antéposition de l’adjectif a toutefois réduit ce contexte, car celui-ci n’inclut pas toutes les voitures imaginables, mais seulement celles qui sont associées (vraisemblablement du fait de leur propriété) à un individu ou à un groupe particulier. »

Bien sûr, nouvelle voiture peut faire référence au modèle qu’un constructeur automobile viendrait de mettre sur le marché (même si on dirait plutôt : voiture nouvelle). Mais Howden précise que ce contexte élargi n’est pas nécessairement une composante du sens de nouvelle voiture, alors qu’il est nécessaire pour saisir le sens de voiture nouvelle.

En définitive, l’idée que l’antéposition implique une restriction du contexte se trouvait déjà dans une formule de l’abbé Roubaud, une formule dans laquelle l’habit particulier, porté par une personne particulière (un nouvel habit) n’a pas la même extension que l’habit qui est destiné à lancer une nouvelle mode (un habit nouveau) :

« Un nouvel habit, dit l’Académie, est un habit différent d’un autre qu’on vient de quitter ; un habit nouveau, un habit d’une nouvelle mode ». (19)

 

4. Une interprétation

A l’issue de cette courte exploration, nous pouvons expliciter notre hypothèse syntaxique. Voici trois explications du sens des expressions nouveau monde et monde nouveau, qui ont été employées dans le contexte de l’épidémie du covid-19. Ces explications sont, naturellement, indépendantes de tout contenu, c’est-à-dire qu’elles ne tiennent pas compte des caractéristiques sociales, politiques ou économiques du monde d’après.  

a) Contexte restreint (antéposition) ou élargi (postposition)

Selon la première explication, le groupe nominal nouveau monde a une extension et une portée plus réduites que monde nouveau, car il présuppose un contexte spécifique, connu du locuteur ou propre au locuteur. Ce contexte peut être restreint par ses propres désirs ou sa propre vision du monde, si bien que la différence entre les deux expressions pourrait être assimilée à l’opposition entre valeur subjective (qui appartiendrait à nouveau monde) et valeur objective (qui serait propre à monde nouveau).

  b) Concept unifié (antéposition) ou fractionné (postposition)

Nouveau monde désigne un concept unifié, non pas au sens de la locution figée « Nouveau Monde », mais au sens où l’adjectif nouveau renforce le substantif monde. Dans monde nouveau, en revanche, l’adjectif conserve une indépendance conceptuelle.

Cette indépendance de l’épithète nouveau dans la postposition peut signifier deux choses : soit la nouveauté est désirée en tant que telle – elle évoque le « Démon-du-changement-pour-le-changement » de Paul Valéry (20) ; soit elle est portée par des forces qui nous dépassent, qui adviennent malgré nous, si bien que, du point de vue de ceux qui en font partie, le monde nouveau est arrivé comme à l’improviste, provoquant l’étonnement général. Cette deuxième possibilité est exemplifiée par la formule, citée par Howden :

« C’est un monde nouveau qui s’ouvre à ses yeux ». (21)

  c) Continuité (antéposition) ou rupture (postposition)

Nouveau monde suppose une continuité par rapport à l’état antérieur (le monde d’avant), tandis que monde nouveau désigne une rupture dans le cours du monde, au sens où le monde d’après n’est pas gouverné par les principes du monde d’avant et ne peut pas être compris à l’aide de ces principes.

Dans nouveau monde, l’épithète nouveau évoque l’idée d’un remplacement, à l’instar du sens qu’il prend dans nouvelle voiture. Ce sens inclut l’idée d’une continuité entre l’ancien monde et le monde d’après. Il implique également que le nouveau monde est déjà connu, ou plus exactement, « supposé connu ». Or, comme le note Bernard Colombat : « On antépose plus facilement ce qui est supposé connu » (22).

Toujours dans la version antéposée, et plus fondamentalement, l’épithète nouveau évoque aussi l’idée que le monde est, par définition, toujours changeant, toujours soumis au mouvement, donc toujours nouveau. Dans ce cas, nouveau monde serait un pléonasme ou exprimerait un rapport d’inclusion du même type que celui véhiculé par l’expression blanche neige. Bonnard notait à son propos que « l’épithète exprime une qualité impliquée par la définition même du nom, [car] toute ‘neige’ est ‘blanche’ », avant d’ajouter qu’« il y a fusion des sémantismes dans une unité qui confond l’adjectif et le nom, condition très propice à l’antéposition » (23).

 

Conclusion

Ces trois interprétations, plus particulièrement les seconde et troisième, nous paraissent donner du crédit à l’hypothèse syntaxique. Celle-ci affirme, d’une part, que les personnes qui ont parlé du nouveau monde ou du monde nouveau qui adviendrait à la suite de la crise du coronavirus n’ont pas dit la même chose, et, d’autre part, que la différence de sens résultant de la place de l’épithète est indépendante du contenu que ces personnes donnaient au monde d’après.

On peut bien sûr estimer que leur propre vision idéale du monde a influencé le fait qu’elles ont antéposé ou postposé l’épithète nouveau. On peut aussi estimer que les deux formes étaient sémantiquement équivalentes – ce qui est une hypothèse légitime, sauf si elle sert à évacuer le problème. Mais notre brève analyse a suggéré qu’on ne glisse pas subrepticement et innocemment de monde nouveau à nouveau monde, ou de nouveau monde à monde nouveau. C’est-à-dire que le sens produit par la place de l’épithète nouveau peut nuancer, voire contredire, les contenus du monde d’après. C’est une hypothèse un peu dérangeante, mais très plausible.

Alain Anquetil


(1) Citation issue du Dictionnaire universel des synonymes de la langue française, contenant les synonymes de Girard, de Beauzée, de Roubaud, de d’Alembert, de Diderot, et d’autres écrivains célèbres, par J. E. J. F. Boinvilliers, Delalain, 1836.

(2) Op. cit.

(3) Y. Saint-Gelais, « La place de l’adjectif en français », Dialangue, 2, 1991, p. 17-21.

(4) Ces exemples ont été également proposés par Saint-Gelais.

(5) M. Grévisse et A. Goosse, Le bon usage, 14ème édition, De Boeck Supérieur, 2007. Selon Marc Wilmet, l’interprétation en termes de subjectivité-antéposition et objectivité-postposition est due à Erwin Reiner, La place de l’adjectif épithète en français. Théories traditionnelles et essai de solution, Wien-Stuttgart, Braumüller, 1968 (M. Wilmet, « La place de l’épithète qualificative en français contemporain : étude grammaticale et stylistique », Revue de linguistique romane, 45, 1981, p. 17-73).

(6) Voir par exemple les travaux de Nicole Delbecque (par exemple : « Word order as a reflection of alternate conceptual construals in French and Spanish. Similarities and divergences in adjective position », Cognitive Linguistics, 1(4), 1990, p. 349-416), l’ouvrage de María Luisa Donaire (La place de l’adjectif dans les stratégies énonciatives, Lambert-Lucas, 2009), et la thèse de doctorat en Langues, Littératures et Civilisations de Christelle Hopp (La place de l’adjectif épithète dans deux romans du XIXe siècle : El Señor de Bembibre d’Enrique Gil y Carrasco et Los Pazos de Ulloa d’Emilia Pardo Bazán, 2017).

(7) M. Grévisse, Le bon usage. Grammaire française avec des remarques sur la langue française d’aujourd’hui, 11ème édition, Paris, Duculot, 1980.

(8) M. Wilmet, « La place de l’épithète qualificative en français contemporain : étude grammaticale et stylistique », op. cit. Voir aussi M. Wilmet, « Antéposition et postposition de l’épithète qualificative en français contemporain », Travaux de linguistique, 7, 1980, p. 179-201.

(9) Dans les termes de Françoise Berlan : « L’adjectif [est] dans un rapport ‘analytique’ et ‘essentiel’ au substantif, c’est-à-dire explicitant son contenu et non ‘synthétique’ rajoutant une qualité extérieure et accidentelle » (F. Berlan, « L’épithète entre rhétorique, logique et grammaire aux XVIIe et XVIIIe siècles », Histoire Épistémologie Langage, L’Adjectif : Perspectives historique et typologique, 14(1), 1992, p. 181-198). Cette interprétation correspond également à l’une des cinq explications de Roubaud pour rendre compte des « nuances différentes », selon ses mots, qui sont induites par les deux places occupées par l’épithète :

« L’adjectif préposé est à l’égard du substantif ce qu’est le pronom à l’égard du nom ; son idée devient idée principale, essentielle, caractéristique, inséparable de celle du substantif, de manière que, des deux idées et des deux mots, il semble ne résulter qu’une idée complète et un mot composé. L’adjectif postposé, au contraire, n’est jamais au substantif que comme l’accident à l’égard de la substance ; son idée n’est qu’accessoire, secondaire, indicative, et susceptible d’une suite de modifications différentes qui présentent divers points de vue de l’objet. » (Op. cit.)

(10) J. Gardes Tamine, « De la grammaire à la stylistique. À propos de l’ordre des mots », in J.-M. Gouvard (dir.), De la langue au style, Presses universitaires de Lyon, 2005.

(11) « En plaçant avant le nom une épithète qui aurait très bien pu le suivre, on ne joue pas simplement sur l’ordre des mots, on altère aussi sensiblement le fonctionnement de l’adjectif en lui faisant perdre une partie de sa force et en lui donnant un rôle d’intensif du nom dont il exhausse le sens en quelque sorte. » (F. Vreck, « La place de l’adjectif épithète », Palimpsestes, 14, 2001, p. 153-161.)

(12) R. Bailly et M. de Toro (dir.), Dictionnaire des Synonymes de la Langue Française, Librairie Larousse, 1947.

(13) C. Augé, Nouveau Larousse illustré, Librairie Larousse, 1897.

(14) H. Bonnard, « Nouveau », Grand Larousse de la langue française, tome 4, Librairie Larousse, 1989.

(15) Wilmet donne l’exemple d’un antonyme de nouveau : l’adjectif ancien. Il est appliqué à une ferme (aussi qualifiée par le signe x, y désignant un autre objet, par exemple un restaurant) :

« Une ancienne ferme sert désormais de restaurant, de musée ou d’habitation secondaire (x devenu y) ; une ferme ancienne poursuit sans désemparer son activité (x resté x). »

(16) H. Bonnard, « Epithète », Grand Larousse de la langue française, tome 2, Librairie Larousse, 1989.

(17) M. Wilmet, La détermination nominale. Quantification et caractérisation, Paris, Presses universitaires de France, 1986.

(18) M. S. Howden, « Structure in the lexicon. The French adjectives Neuf and Nouveau », in L. Waugh et F. van Coetsem (dir.), Contributions to Grammatical Studies Semantics and Syntax, Leiden, E. J. Brill, 1979.

(19) Op. cit.

(20) P. Valéry, Degas, danse, dessin, 1936, Paris, Folio Essais, 1998.

(21) Op. cit.

(22) B. Colombat, « L’adjectif : perspectives historique et typologique. Présentation », Histoire Épistémologie Langage,14(1), 1992, p. 5-23. Colombat se référait explicitement à l’article de Françoise Berlan, publié dans le même volume, op. cit.

(23) H. Bonnard, « Epithète », op. cit.

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