Cher Olivier, Que vous inspire la perspective d’un Brexit ?


Un choc salutaire ? On peut être Européen convaincu et se sentir citoyen du  monde, mais quand même penser que ce ne serait pas une catastrophe si les citoyens du Royaume-Uni décidaient de quitter l’Union Européenne. Ni pour les Britanniques, ni pour les Européens. Au contraire, cela créerait un choc salutaire et nous obligerait à repenser l’Europe, refonder l’indispensable avenir commun des pays de l’Europe, redonner un élan créateur pour fonder une nouvelle Europe capable d’affronter ensemble les défis du 21e siècle. Les temps ont changé et il faut penser et agir autrement qu’il y a 70 ans si nous voulons éviter de sombrer dans un nouveau moyen-âge, un nouveau morcellement, le « chacun pour soi » qui nous a conduit si souvent à nous affronter militairement. Ce risque devient de plus en plus réel, au fil des dernières élections dans différents pays européens. Il faut donc pouvoir faire preuve d’imagination, de solidarité, d’empathie pendant cette période de transition dangereuse, au-delà des limites de nos frontières nationales. Impasse de LondresAujourd’hui, nous avons besoin à la fois de « plus de région » – une plus grande autonomie des entités locales sur les thèmes du vivre ensemble sur nos territoires – et de « plus d’Europe » – une plus grande concertation et action commune sur les sujets de grande ampleur comme la monnaie commune et ses corollaires économiques et fiscaux, la politique sociale, la défense et la diplomatie – pour recréer du lien entre le citoyen et l’Europe. L’Union Européenne doit de toute urgence devenir autre chose qu’une mutualisation d’argent, qu’un club ou tout le monde choisit ce qui lui convient et se désolidarise des défis globaux au profit d’égoïsmes locaux et nationaux. Or, ce défi ne peut à mon sens qu’être relevé au niveau d’un groupe restreint de pays européens (les fondateurs et quelques autres peut-être), qui ne se sont pas rapprochés au milieu du siècle dernier en se posant d’abord la question du « what’s in for me », mais qui ont rêvé d’un avenir meilleur, à construire ensemble. Si ces membres fondateurs ont montré qu’ils avaient été capables de mettre leurs égoïsmes de côté pour construire ensemble un nouvel avenir, les gouvernements britanniques successifs n’ont jamais voulu contribuer un tant soit peu dans cette direction ; seule la dimension strictement économique à court terme de l’Union Européenne les a motivés. Cette attitude de « cherry picking » a inspiré les politiciens de la plupart des « nouveaux » pays membres à en faire autant. Un grand marché – voilà tout ce qu’ils recherchent. Cela est légitime, bien sûr. Mais il est tout aussi légitime pour les peuples et les gouvernements des pays qui voient leur avenir autrement, de le faire sans se laisser bloquer par ceux qui n’en veulent pas ! Puisque le modèle d’une Europe à plusieurs vitesses n’a pas pu s’imposer, c’est par une recomposition des priorités qu’il va falloir passer. Et le départ du Royaume-Uni va inciter tous les membres à se poser la question de ce qu’ils veulent faire ensemble et ce qu’ils veulent faire tous seuls. C’est l’immobilisme européen causé par des attentes différentes qui fait le nid des extrémismes, pas la construction d’une Europe dynamique et visionnaire ! Je tiens, pour conclure, à exprimer le grand respect que je porte aux citoyens du pays qui a été le berceau de la recherche scientifique dès le 17ème siècle, le moteur de la découverte du monde, ces hommes et ces femmes qui ont inventé le tennis, le cricket, le rugby et la franc-maçonnerie. Ces Britanniques qui se sont sacrifiés pour libérer l’Europe du joug de l’obscurantisme au milieu du siècle dernier. Nous avons tous profité de tout cela alors que l’Union Européenne n’existait pas encore. Je leur en suis reconnaissant. Le Brexit, le départ des Britanniques, permettra de remettre l’Europe en ordre de marche. Il clarifiera les choses, et de cela aussi, je leur serai tout aussi reconnaissant. Olivier Brissaud.


Pic OlOlivier Brissaud nous écrit de Bruxelles. Juriste de formation, il a fait une carrière en banque à Bruxelles, puis a été directeur général de Volkswagen Group Services, banque interne du groupe. Aujourd’hui, il s’investit comme volontaire, consultant et comme administrateur dans différentes entités de l’économie sociale et solidaire. Il est le co-fondateur de Cross the Bridge qui a pour but de fluidifier le transfert de compétences du monde du « business » vers le monde du « social ».

Les BreXing News regroupent en un blog des analyses et des points de vue publiés durant la campagne référendaire au Royaume-Uni par l’EU-Asia Institute de l’ESSCA. Aller aux BreXing News précédentes.

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