Les récentes élections législatives nord-irlandaises ont eu lieu moins de sept semaines avant que ne se tienne le référendum sur le Maintien ou non du Royaume-Uni dans l’Union européenne.

Ceux qui nourrissaient l’espoir de voir ces élections allumer l’étincelle d’un véritable débat sur le référendum imminent, sont bien restés sur leur faim.

Les élections de 2016, comme les précédentes, n’ont résolument porté que sur des questions locales et sur de vieilles rivalités communautaires. Les partis politiques nord-irlandais n’ont livré que très tardivement leur position quant au référendum sur l’UE et ils n’ont pas été particulièrement véhéments dans leur communication sur cet aspect. Et le manque d’information n’aide pas à remédier à l’étroitesse du débat. Les effets concrets d’un Retrait sur l’Irlande du Nord n’ont pas été investigués plus avant, et ce même si cette idée selon laquelle le Retrait ferait bien plus de mal ici que dans n’importe quelle autre partie du Royaume, est très largement partagée.

A l’inverse, seulement 18% des unionistes partagent ce sentiment. Les deux communautés sont clairement aux antipodes quant à leur appréciation des bienfaits de l’adhésion à l’UE. Et compte tenu du passif de l’Irlande du Nord en termes de conflits communautaires, cette divergence d’opinion est inquiétante. La question de l’UE n’est apparemment pas un terrain sur lequel unionistes et nationalistes peuvent se retrouver, et il s’agit plutôt d’une autre illustration des tensions continues entre les deux communautés.

De manière plus inquiétante encore, ces tensions pourraient bien s’accroître après le référendum. Dans la perspective d’un vote en faveur du Retrait, la stabilité politique et l’équilibre communautaire en Irlande du Nord seraient menacée.

Trois conséquences en particulier pourraient mettre à mal un processus de paix déjà bien fragile en Irlande du Nord.

Tout d’abord, il y a un manque de clarté quant au statut de la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande si le Royaume-Uni venait à quitter l’UE. L’absence effective de frontière physique entre le Nord et le Sud a eu des répercussions économiques significatives pour les deux juridictions, et cela revêt également une importance symbolique, en particulier pour les nationalistes. La potentielle réinstallation d’une frontière suite à un Retrait de l’Union poserait de sérieuses questions au plan économique et politique quant aux relations au sein même de l’Irlande du Nord et entre le Nord et le Sud.

Deuxièmement, il existe une forte probabilité pour que suite à un vote en faveur du Retrait, l’Ecosse organise un second référendum sur l’indépendance. Cela déclencherait de désagréables échanges en Irlande du Nord sur le futur de l’unité du Royaume-Uni. Paradoxalement, ayant voté pour le Retrait, les unionistes auraient alors contribué à la destruction du Royaume-Uni, une union pourtant essentielle à leur histoire et à leur construction identitaire.

Troisièmement, encore plus préoccupant qu’un référendum écossais, c’est la plausibilité d’un référendum irlandais. La perspective d’avoir une République d’Irlande dans l’Union et une Irlande du Nord hors de l’Union, est tout à fait consternante pour les nationalistes d’Irlande du nord. Le parti politique nationaliste le plus important, Sinn Féin, a promis qu’il appellerait alors à un vote sur la frontière (un référendum sur l’union de l’Irlande) dans le cas d’un Retrait de l’UE. La perspective d’un référendum, et le débat que cela susciterait, serait très inconfortable pour la population unioniste. Les débats sur les frontières, l’identité et la souveraineté sont déjà passionnés en Irlande du Nord et pourraient devenir encore plus sensibles après un vote en faveur du  Retrait qui ne manquerait pas de soulever la délicate question de l’avenir constitutionnel de l’Irlande.

A ce jour, le débat sur le référendum s’est principalement articulé autour d’arguments économiques rationnels en faveur du Maintien dans l’Union. Et bien que ces arguments résonnent fort en Irlande du Nord comme ailleurs, ce sont bien les aspects politiques et constitutionnels du débat qui prévalent dans une des régions les plus troublées du Royaume-Uni. Les effets les plus néfastes que provoquerait un Retrait de l’Union sont éludés, et pourtant ces questions politiques devraient être bien plus sérieusement étudiées.


w_rms_blob_commonDr Mary C. Murphy est maître de conférences à l’university de Cork et Chaire Jean Monnet Chair en Intégration européenne. Mary est spécialisée dans l’étude des politiques européennes et d’Irlande du Nord. Les BreXing News regroupent en un blog des analyses et des points de vue publiés durant la campagne référendaire au Royaume-Uni par l’EU-Asia Institute de l’ESSCA. Download the English version of this post

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