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La campagne électorale pour les élections parlementaires en Roumanie ce dimanche 11 décembre a été surprenante à plus d’un titre. D’abord par la tranquillité avec laquelle elle s’est déroulée. Ensuite, par une série d’innovations qui pourraient bien rester en place pour l’avenir : l’annonce préalable par les partis politique d’un premier ministre potentiel et de leurs options de coalition – un processus similaire à ce que l’Union européenne a tenté en 2014 avec les « Spitzenkandidaten » pour la présidence de la Commission) – et la présentation d’un projet de budget attaché a une plateforme électorale.

Malheureusement cette « tranquillité » apparente n’est pas un signe de maturité de la classe politique roumaine, mais plutôt le résultat bénéfique des restrictions de la nouvelle législation concernant les règles d’affichage électoral et la transparence du financement de la campagne, ayant pour but principal de limiter la corruption. En effet, le Ministre de l’Interieur a déjà pu annoncer une baisse du nombre d’infractions pénales durant cette campagne électorale (35) comparé aux élections précédentes. Ces élections pourraient bien être « les plus transparentes » de l’histoire de la Roumanie, si l’on en croit le directeur du Service des Télécommunications Spéciales, Marcel Opriș. Cela est lié à l’utilisation d’un système électronique qui va permettre d’enregistrer automatiquement les procès-verbaux des sections de vote à la fin de la journée et de filmer le processus de dépouillement des votes.

Les derniers sondages d’opinion pronostiquent une participation limitée (autour de 42%). Quelques personnalités politiques à travers le paysage idéologique, comme le Président Klaus Iohannis et Calin Popescu Tariceanu (de l’Alliance des Libéraux et Démocrates ALDE) ont mis en question les effets de la loi électorale sur le niveau du débat politique pendant la campagne et ont encouragé la participation aux élections, faisant la connexion entre la lutte contre la corruption et le vote démocratique.

Par contre, le président du Parti Social-Démocrate (PSD), Liviu Dragnea, a estimé que la campagne électorale était d’une intensité accrue pour son parti et que l’obligation de présenter un programme de gouvernement doté d’un projet de budget était la clé de son futur succès. Au premier coup d’œil, cette déclaration semble témoigner d’un changement d’approche vers une manière plus professionnelle de faire de la politique, concentrée sur les mesures de politique publique et les contraintes de la crise économique. Mais d’après le gouvernement technocrate de Dacian Ciolos, cela relève d’un populisme insupportable, parce que le PSD propose à la fois de réduire les taxes, de faire des investissements massifs dans l’économie nationale et d’accroitre les revenues individuels de la population, tout en maintenant le déficit budgétaire en dessous de 3%…

Apres une véritable guerre des enquêtes d’opinion, le dernier sondage IRES semble mettre le PSD confortablement en avance avec 44% des votes, suivi par le PNL (Parti National Libéral) à 23% et USR (Union Sauvez la Roumanie) à 7%. ALDE et le PMP (Parti Mouvement Populaire) sont placés à 6% et l’UDMR (le parti minoritaire de « L’Union Démocrate des Hongrois de Roumanie ») serait proche du seuil des 5% nécessaires pour rentrer au Parlement.

La nouvelle loi électorale marque un retour aux listes fermées de parti et à la représentation proportionnelle (Loi 208/2015), ce qui veut dire au contrôle des nominations par la hiérarchie des partis politiques. La focalisation des médias sur les principaux candidats de certains partis sous le coup d’enquêtes de la justice criminelle a rendu possible un renouvellement inhabituel des candidats, et surtout de candidats jeunes. D’une manière générale, le critère d’intégrité pour la sélection des candidats a été observé de manière facultative, mais pour la nomination préliminaire du futur premier ministre la pression a été très grande. En conséquence, le PSD a refusé de rendre public son choix de candidat pour ce poste, craignant l’opprobre publique, mais le changement de législation électorale et la pression médiatique ont amené plus de transparence politique.

De ce point de vue, cette campagne électorale qui vient de s’écouler contredit toute l’histoire des élections dans la Roumaine post-communiste. Et ce développent s’achève paradoxalement juste au moment ou le contraire s’est déroulé dans les deux plus anciennes démocraties du monde : le ‘Brexit’ britannique et les élections présidentielles des Etats Unis.

Visiblement, les cultures politiques peuvent changer. En Roumanie, on en envie de dire « pourvu que cela dure ! »


Simona DAVIDESCU, Research Associate , Research Associate of the EU-Asia Institute (ESSCA School of Management)

Simona Davidescu est enseignante en sciences politiques à l’Université de York
et chercheure associée à l’EU-Asia Institute.

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