Le 7 mai prochain, le Royaume-Uni tiendra ses élections générales. Dans une série de mails, Simon Usherwood, professeur en sciences politiques à l’Université du Surrey, nous en décortique les enjeux principaux.

Dear Simon,

Pour la première fois depuis un bon moment, le Royaume-Uni a été gouverné par une coalition de deux partis. Qu’en pensent les Britanniques ? Sont-ils prêts à renouveler l’expérience ?

Que le Royaume-Uni soit toujours gouverné par un seul parti à la fois est un mythe de la politique britannique. Des coalitions se sont produites plus souvent qu’on ne croit, pas plus tard que dans les années 1990 sous John Major. Mais l’imaginaire public veut qu’il y ait une majorité claire, ce qui explique que la question de savoir si le gouvernement composé de Conservateurs et de Libéraux sera suivi par une autre coalition fait couler beaucoup d’encre.

Votes and seats

Graphique wikipedia commons.

Il est cependant probable que les Britanniques doivent s’habituer aux coalitions, car la part du vote qui se porte sur les deux grands partis, les Conservateurs et les Travaillistes, est depuis longtemps entré dans un déclin irréversible. Dans l’après-guerre, forts de leur grande légitimité et de leur assise sur des sections locales bien ancrées, ils cumulaient jusqu’à 90% du vote. Mais l’émergence de nouvelles thématiques et la désaffection du grand public pour l’engagement politique – une tendance lourde qu’on peut observer partout – a permis à d’autres partis de se profiler et de grappiller des votes.

Si dans le passé, le scrutin majoritaire a maintenu la représentation des deux grands partis à un niveau bien au-delà de leur part réelle du vote, il n’a fait que retarder le processus de fragmentation de l’échiquier politique. Avec la consolidation des partis nationalistes en Ecosse ou dans le Pays de Galles, l’inquiétude environnementale représentée par les Verts, ou l’Euroscepticisme de l’UKIP (le parti de « l’indépendance » britannique), il règne une grande incertitude quant à savoir qui gagnera quoi au mois de mai prochain.

Qui s’accouplera avec qui ? C’est la grande question du moment. Les Libéraux-Démocrates se déchirent en interne s’ils doivent travailler avec la droite ou avec la gauche. Le Parti Nationaliste Ecossais est plus clairement de gauche, mais reste un partenaire délicat pour les Travaillistes, en raison de ses penchants séparatistes. L’UKIP est de droite, mais il paraît difficile pour les Conservateurs de donner une plateforme à leur populisme bruyant. Beaucoup d’options, dont aucune ne séduit vraiment.

Même si une coalition gouvernementale n’est pas un problème en soi et peut fonctionner sans accrocs, les Britanniques risquent de ne pas apprécier si les négociations post-électorales se passent de manière problématique. Leur éventuel mécontentement ne changera cependant rien aux processus profonds qui remanient le paysage politique.

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Simon Usherwood est politologue,
il enseigne les études européennes à l’Université du Surrey.
Spécialiste des partis politiques britanniques,
il est l’auteur d’un blog remarqué sur l’euroscepticisme.

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