Après les billets consacrés aux élections générales britanniques, les “Mails d’Europe” entament une deuxième série. Fin mai et début juin, les échéances électorales se téléscopent: des scrutins régionaux à haute tension en Espagne et en Italie seront suivie des élections parlementaires en Turquie. L’EU-Asia Institute a invité des experts originaires des pays concernés à nous expliquer les enjeux propres à chaque pays.

RamonLlopisGoigAujourd’hui: Ramon Llopis-Goig, sociologue à l’Université de Valence, sur les élections régionales en Espagne, le dimanche 24 mai 2015.


Treize des dix-sept « communautés autonomes » d’Espagne tiendront leurs élections régionales dimanche 24 mai. Il y a quatre ans, la droite incarnée par le « Partido Popular » (PP) en a remporté onze, annonçant ainsi sa nette victoire aux élections nationales six mois plus tard.Depuis vingt ans, les élections dans les régions ont une dimension nationale indéniable. En regroupant leurs élections sur le même jour – contrairement à l’Andalousie, la Galice, la Catalogne et le Pays Basque – les treize régions concernées ont favorisé le développement de stratégies électorales à visée nationale. Qui plus est, ces élections régionales ne précèdent le scrutin national que de quelques mois, ce qui en fait un vrai test, surtout en période de grands changements politiques.

Cette année, de tels changements sont effectivement dans l’air. Il est fort probable qu’il y aura un « avant et un après 24 mai » dans l’histoire de la démocratie espagnole. Le vote en Andalousie, en mars, a vu émerger deux nouvelles forces politiques – Podemos (gauche radicale) et Ciudadanos (centre) – dont l’objectif est de démanteler le bipartisme traditionnel. Du coup, les leaders nationaux des partis établis font frénétiquement campagne à travers le pays entier, comme s’il s’agissait des élections nationales.

Spain-May-2015-elections-poll-2Les sondages indiquent que le PP perdra sa majorité dans presque toutes les régions qu’il gouverne, ce qui reflète l’érosion dramatique de son pouvoir d’attraction à tous les niveaux. Ses leaders ont beau expliquer que les électeurs finiront par voir le redressement économique et refuseront les tentations des extrêmes, comme cela s’est passé au Royaume-Uni il y a quelques semaines. Ils oublient un peu vite que contrairement au PP, David Cameron n’a jamais été accusé de corruption endémique !

Les élections régionales sont aussi un défi de taille pour le leader national du Parti Socialiste (PSOE), Pedro Sánchez. Si les résultats ne sont pas au rendez-vous, il aura du mal à remporter, en juillet prochain, les primaires de son parti pour la présidence du futur gouvernement. Cependant, sa principale rivale, Susana Díaz, qui vient de gagner les élections en Andalousie, n’est guère mieux placée : elle n’a pas obtenu la majorité absolue qu’elle escomptait et depuis deux mois, son gouvernement régional n’a toujours pas obtenu le vote de confiance de l’assemblée andalouse…

Différents sondages de ces dernières semaines mettent en relief la volatilité actuelle de l’opinion publique et les changements profonds qui travaillent la société espagnole. L’émergence de Podemos et de Ciudadanos, ainsi que la survie possible de l’IU (ancien parti communiste) et de l’UPyD (sociaux-libéraux), dessinent des scénarios très complexes pour la formation du futur gouvernement. D’autant plus qu’à l’exception du Pacte de la Moncloa en 1977, la politique espagnole ne connaît pas la culture du compromis …  Et le précédent andalou n’est pas très encourageant pour l’avènement de cette culture de la coalition dont le pays aura cependant besoin pour éviter les conflits et batailles internes. Le 24 mai donnera ainsi un premier véritable aperçu de l’avenir d’un échiquier politique espagnol en pleine mutation.


Ramon Llopis-Goig est un fin connaisseur des évolutions de la société espagnole.
Après une première carrière dans les études de marché et de consommation,
il a rejoint le monde académique en tant qu’expert en méthodes quantitatives.
Ce printemps, il publie l’ouvrage Spanish Football and Social Change chez
l’éditeur britannique Palgrave-Macmillan.

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