Cher Richard, A mi-parcours de la campagne pour le référendum du Brexit, quelle est la tendance, quels sont les faits marquants, quels enseignements peut-on tirer ?


Les cinq enseignements de la campagne jusqu’ici Plus que cinq semaines avant que les votants ne se rendent à l’isoloir pour le referendum sur l’UE. C’est le moment pour un petit bilan de mi-parcours sur les stratégies des deux camps pour faire passer leur message. Depuis que le Premier Ministre a renégocié les termes de l’adhésion du Royaume-Uni avec l’UE en février dernier, les intentions de vote, mesurées au travers de sondages, ont été bien plus stables mais surtout bien plus serrées que ce à quoi la plupart des commentateurs s’attendaient. L’agrégation des enquêtes en un “sondage des sondages” (‘Poll of Polls’) montre que l’opinion publique se maintient dans une tendance où ni les partisans du Maintien ni ceux du Retrait n’ont pris l’ascendant. On peut cependant identifier cinq facteurs clé qui donnent clairement le ton de la campagne et ce dans les deux camps.  

  1. La couverture médiatique du referendum concerne moins l’enjeu du vote que la conduite de la campagne.

La couverture médiatique s’est principalement focalisée sur le “comment” du déroulement de la campagne, au détriment du “pourquoi”. Il y a bien des discussions autour du fameux « projet peur »  – une allégation comme quoi Cameron cherche à faire peur à l’opinion publique afin d’assurer le Maintien. L’envoi de la brochure gouvernementale à tous les foyers britanniques en est une autre illustration. L’attention a été détournée de son propos pour se focaliser sur l’usage d’argent public et de ressources gouvernementales.  

  1. Les protagonistes ont eu du mal à exploiter de manière positive les récents événements politiques.

La démission de Iain Duncan Smith du gouvernement, les attaques terroristes à Bruxelles et la perspective de fermeture de l’usine métallurgique de Port Talbot n’ont pas influencé le débat malgré les efforts des partisans du Retrait pour tourner ces événements à leur avantage. Ces événements n’ont finalement fait que prolonger les débats existants sur les malus et les bonus de l’adhésion.  

  1. Le Premier Ministre s’est affirmé comme le leader du camp du Maintien.

David Cameron s’est imposé comme le visage du Maintien. Ce sont ses apparitions publiques et ses discours prenant fait et cause pour l’adhésion qui ont le plus largement parlé pour le camp du Maintien. Mais ce n’est pas sans risque : en l’occurrence, l’affaire des “Panama Papers” a failli jeter l’opprobre sur le Premier Ministre et ses finances personnelles. Dans le même temps, le leader du Labour Party, Jeremy Corbyn, a fait montre d’une grande ambiguïté.  

  1. Les partisans du Retrait ont bien du mal à proposer une alternative cohérente à l’adhésion à l’UE.

Diverses alternatives à l’adhésion à l’UE ont été présentées par les partisans du Retrait. Simple adhésion à l’Espace économique européen (EEE), aussi appelée option « norvégienne » ; union douanière « à la turque » ; ou encore simple accord bilatéral de libre-échange comme celui négocié récemment entre le Canada et l’UE – tous ces différents scénarii ont été évoqués. Mais il n’y a pas d’alternative concrète sur la base de laquelle l’opinion publique puisse faire une comparaison avec la relation actuelle à l’UE, ses avantages et ses inconvénients. Ceci est le reflet des divisions qui minent le camp du Retrait et notamment sur la manière de mener la campagne. Trois organisations ont candidaté auprès de la Commission Electorale Britannique pour mener la campagne du Retrait. Ceci est très important car l’organisation leader, pour chaque camp, reçoit de l’argent public et du temps de parole médiatique. ‘Vote Leave Ltd’ a finalement été désigné car l’organisation présentait le plus large éventail de soutiens parmi les partisans du Retrait, et notamment au niveau régional et local, même si le ‘Go Movement’ rassemblait davantage de soutien parmi les partisans de UKIP.  

  1. Les partis politiques britanniques ne sont pas très engagés dans la campagne pour ce referendum.

Les militants des différents partis britanniques ont été davantage préoccupés par les élections qui ont eu lieu le 5 mai. Avec les élections parlementaires écossaises, les élections législatives au Pays-de-Galles et en Irlande-du-Nord, les élections pour la mairie de Londres et son Assemblée, les partis politiques avaient du grain à moudre sur bien d’autres sujets que l’Europe. Maintenant que ces élections ont eu lieu, on pourrait voir les partis politiques s’engager plus à fond dans le débat et dans une lutte de terrain. Si des changements survenaient au sujet d’un ou plusieurs de ces facteurs clé, la campagne pourrait prendre une toute autre tournure. Avec une opinion publique trop partagée pour prédire l’issue en toute confiance, les dernières semaines de campagne seront cruciales.


Richard WhitmanRichard Whitman, Professeur en Sciences Politiques et Relations Internationales, dirige le “Global Europe Centre” à l’Université de Kent. En tant que chercheur, il est engagé dans l’initiative “The UK in a Changing World” qui fournit au public des analyses indépendantes sur les thèmes du référendum. (www.ukandeu.ac.uk). Il collabore également au prestigieux think-tank Chatham House (http://www.chathamhouse.org/). Twitter: @RGWhitman Download the English version of this post. Les BreXing News regroupent en un blog des analyses et des points de vue publiés durant la campagne référendaire au Royaume-Uni par l’EU-Asia Institute de l’ESSCA. Aller aux BreXing News précédentes.

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