Alliance Europa 9 maiLe débat public organisé lors du deuxième Forum d’Alliance Europa, qui avait lieu le 9 mai 2016 à Nantes, s’est penché sur le désarroi qui s’est emparé du processus d’intégration européenne. Présidé par Michel Catala et animé de manière très dynamique par Nora Hamadi, le débat a été marqué par une grande franchise de ton.

Arnauld Leclerc a commencé par dresser le diagnostic peu reluisant, mais ô combien vrai de l’Europe au printemps 2016 : fracture, fragmentation, division – selon lui, “même les spécialistes sont déconcertés” par la crise qu’elle traverse.

Crise économique d’abord. Celle-ci a révélé deux trajectoires divergentes au sein de l’Union et soulevé la grande (et douloureuse) question de la solidarité. Selon Arnauld Leclerc, “tôt out tard, il y aura des tentatives de dissociation”.

Crise politique ensuite. Non seulement il n’y a pas de projet politique commun, mais “les institutions marchent mal”, le Conseil domine la scène, la contestation est partout, “les citoyens ont décroché”. Pour Arnauld Leclerc, le problème majeur qui sous-tend les divisions européennes est le rapport qu’entretiennent les Etats avec la mondialisation.

Fernando GuiraoProfesseur Jean Monnet à l’Universitat Pompeu Fabra de Barcelone, a adopté une perspective plus large. Pour lui, l’insistance avec laquelle on défend la souveraineté nationale n’est qu’un symptome de la défiance envers la démocratie qu’on peut observer partout: “on assiste à une modification de la conception de la démocratie occidentale”, accompagné d’une forte demande pour plus de participation. Par conséquent, des prises de décision de type référendaire seront inévitables. Ceci dit, il sera important qu’il ne s’agisse pas de “référendums de légitimation postérieure”, mais au contraire de référendums de “revendication constructive”.

Dans un souci d’apporter un brin d’optimisme dans le débat, il a conclu en signalant au public “tois bonnes nouvelles” :

  • D’abord, la fragmentation en cours produit de nouveaux Etats potentiels – Catalogne, Ecosse, Flandres – qui sont tous très europhiles !
  • Ensuite, le Brexit, s’il devait se produire, sera avant tout une formidable occasion de repenser le projet européen.
  • Et enfin, le fait que la question de l’échec de la construction européenne se pose enfin clairement à tous, est aussi une bonne nouvelle ! C’est en “visualisant l’échec qu’on se rendra davantage compte de ce qui a été accompli et de ce qu’on risque de perdre”.

Dernier intervenant, Albrecht Sonntag a rappelé que la crise a toujours été consubstantielle au processus d’intégration européenne. D’une manière ou d’une autre, l’Europe s’est toujours relancée, grâce entre autres, à “l’inertie naturelle des institutions” qu’avait prévue et voulue Jean Monnet. Cette inertie permet aussi de rester dubitatif au sujet du fameux effet “Domino” qu’un Brexit pourrait déclencher. La désintégration est possible, mais elle ne sera pas rapide.

La crise la plus difficile à résoudre n’est pas celle de l’Euro, ni celle de l’espace Schengen, ni celle du Brexit, ni même celle des migrants. C’est le “problème de l’échelle : tout se passe comme si nous, les citoyens, étions incapables de penser la solidarité (les transferts financiers), la démocratie (le consentement du perdant), la citoyenneté (l’appartenance) en dehors du cadre national”. Aucun besoin de s’adonner au “bashing” de nos dirigeants : ils font leur job à Bruxelles en défendant les intérêts nationaux. C’est les citoyens qui n’ont pas fait leur job en leur donnant un autre mandat !

Beaucoup de chercheurs internationaux en études européennes voient le plus grand danger pour la construction européenne dans l’effritement du consensus pro-européen en Allemagne… Selon Albrecht Sonntag, on n’en est pas là pour le moment. Et il y a des raisons d’espérer que la démocratie se revigore d’en bas. La société civile du XXIe siècle met en cause le fonctionnement d’une démocratie représentative qui s’essouffle. En Espagne, en Grèce, peut-être même en France bientôt. La contestation actuelle du fameux TTIP pourrait être considérée comme “un test grandeur nature”. Il n’est pas exclu que cela devienne un mouvement européen.


Le débat peut être ré-écouté dans son intégralité sur le site d’Euradionantes, en cliquant ici.

Il est aussi disponible dans son intégralité en vidéo sur le site de l’Université de Nantes

Le prochain Forum d’Alliance Europa se tiendra en automne 2016.

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