Ce dimanche, des élections régionales se tiennent en Catalogne et le scrutin prend nettement l’apparence d’un referundum sur la cession de cette région. Nous avons interrogé l’expert Ramon Llopis-Goig à ce sujet.


Cher Ramon,

Les Catalans vont-ils transformer leurs élections régionales du 27 Septembre en référendum pour ou contre l’indépendance de la Catalogne ?

Elections catalanes : rupture ou réconciliation ?

Tossa_de_Mar,_bandera_01Pour quiconque doté d’un certain sens commun, il doit être surprenant de constater que, malgré tous les problèmes qui touchent des milliers d’habitants en Catalogne (chômage, instabilité croissante de l’emploi, conditions de vie dégradées et pénurie de logement), le thème qui domine les élections régionales du 27 septembre soit la question de l’indépendance catalane.

C’est d’autant plus surprenant lorsque l’on connaît le tempérament pragmatique des Catalans. Mais en l’occurrence, il y a quelques mois, le parti qui règne sur la Generalitat de Catalogne, a décidé de soumettre une liste commune, nommée Junts pel Sí (Alliance Pour le Oui), avec la Gauche républicaine de Catalogne (arrivée deuxième aux élections précédentes), et ce dans l’intention de déclarer tout de go l’indépendance, si la liste venait à obtenir une majorité. Avec cette tactique, le Président de la Generalitat, Artur Mas, court-circuite le gouvernement espagnol qui a déclaré illégal l’organisation d’un referendum sur l’indépendance de la Catalogne, et il convertit ainsi des élections régionales ordinaires en un plébiscite sur la sécession.

L’entêtement du Président de la Catalogne à fomenter des manifestations indépendantistes a sans aucun doute été un facteur d’aggravation du conflit. C’est difficile à croire de la part du dirigeant du parti Convergence démocratique de Catalogne (CDC), qui jusqu’à récemment, plaidait pour l’apaisement, la modération, le dialogue, et qui se targuait d’avoir contribué à la stabilité gouvernementale en Espagne des dernières décennies. Mais les événements se sont accélérés ces dernières années, au moment où le CDC a commencé à se sentir piégé par l’embargo juridique sur certains de ses bureaux, et par les affaires de corruption qui touchaient certains de ses membres et leurs familles, autrefois tout-puissants.

L’attitude du gouvernement central espagnol, dirigé par Mariano Rajoy, n’a pas non plus contribué à arranger les choses. Son dédain, tout autant que son apathie, ont apporté de l’eau au moulin des défenseurs de l’indépendance. Le temps perdu à attendre que la relance économique mette fin à la menace qui pèse sur l’unité de l’Espagne, ne peut plus être rattrapé. Il est désormais difficile de croire que les mises en garde exprimées par différentes personnalités concernant les risques et les conséquences d’une sécession de la Catalogne, puissent être suffisantes pour museler le vote indépendantiste.

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L’Alliance pour le Oui : les partisans de l’indépendance aux côtés d’Artur Mas

Concrètement, quel que soit le résultat des élections de dimanche prochain, la société catalane aura des séquelles difficiles à soigner. La manifestation populaire du 11 septembre (journée nationale de la Catalogne) était vraiment impressionnante, au-delà même du nombre de participants revendiqués par les organisateurs. Cependant, les données sociologiques montrent une réalité plus complexe que celle prônée par les indépendantistes. Selon une étude publiée dans El País, six Catalans sur dix souhaitent avoir une double-nationalité espagnole et catalane. La même étude montre que les intentions de vote en faveur des candidats pour l’indépendance, Junts pel Sí et CUP (des radicaux de gauche en faveur de l’indépendance qui ne veulent pas d’alliance), pourraient mener à la victoire des indépendantistes, mais montrent aussi que ces intentions ne sont pas vraiment supérieures aux chiffres enregistrés lors des précédentes élections régionales. On observe la même chose en ce qui concerne les intentions de vote contre l’indépendance. La redistribution des soutiens à ce vote pourrait faire du nouveau parti centriste, Ciudadanos, la deuxième force politique au Parlement catalan.

Il est cependant peu probable que Ciudadanos puisse former une coalition gouvernementale avec les autres partis contre l’indépendance, car cela exigerait de parvenir à un consensus entre ces différents partis, ce qui semble illusoire à l’heure actuelle. Pour autant, il semble impossible que la Catalogne obtienne son indépendance. En plus d’être illégale, l’indépendance placerait la Catalogne en dehors de l’UE et de la zone Euro, ce qui aurait un impact économique et social dévastateur pour la population. Les deux principales banques catalanes ont d’ores et déjà annoncé qu’elles s’installeraient à Madrid si l’indépendance était proclamée.

Ceci étant, même si la démocratie espagnole parvient à contenir l’assaut du mouvement indépendantiste, celui-ci ne sera pas désarmé. De nombreux observateurs, analystes et intellectuels demandent la mise en place d’un nouveau pacte pour la société espagnole, un pacte qui permettrait à la nation de se confronter sereinement à ses nombreux problèmes, parmi lesquels l’indépendance catalane n’est pas le moindre. Les élections pour l’autonomie en Catalogne seront une étape décisive, tout comme les prochaines élections générales annoncées pour le mois de décembre. La question de l’indépendance est une impasse politique qui a inutilement mis la nation sous tension ces dernières années en la menant au bord de la rupture. Ce verrou ne pourra sauter que si l’on cherche des convergences entre les différentes parties et si l’on travaille avec patience à la guérison des relations empoisonnées.


Ramón Llopis-Goig is professor of sociology at the University of Valencia.

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