Chère Viviane, Tu as été co-auteure d’un récent rapport d’experts indépendants au sujet de l’impact d’un Brexit sur l’environnement au Royaume-Uni. Quelles en sont les conclusions les plus importantes ?


Brexit : L’environnement, ça compte !

Expert review coverLe rapport, signé par 14 experts internationaux et présenté aux acteurs du secteur environnemental – ONG, journalistes spécialisés, think-tanks – lors d’un événement public, s’est basé sur trois scénarios distincts : 1. Le Maintien (l’option « ‘Reformed EU ») ; 2. Le Départ, avec adhésion à l’Espace économique européen (EEE), aussi appelé l’option « norvégienne » ; 3. Le Départ, avec des négociations de traités de libre-échange avec l’Union (l’option « Libre-échange »)

Un effet dans les deux sens

Lors de la présentation, les professeurs Andy Jordan (University of East Anglia) and Charlotte Burns (University of York), ont passé en revue conclusions principales du rapport. Andy Jordan a mis en exergue que les relations entre l’Europe et le Royaume-Uni avaient eu des effets dans les deux sens. L’Union a aidé à moderniser les politiques environnementales britanniques depuis 1973, en introduisant une approche plus préventive, basées sur des standards arrêtés, des délais clairement indiqués, et des principes explicites comme la précaution et le développement durable. L’impact de l’Union a aussi été ressenti dans des secteurs adjacents comme l’agriculture, la pêche, l’énergie et, dans une mesure moindre, l’aménagement du territoire. C’est cependant loin d’un quelconque « Super-Etat vert » dirigé par Bruxelles : l’EU n’a eu guère d’effet sur les structures internes de la politique environnementale britannique et le degré de centralisme ou de dévolution vers l’Ecosse, le Pays-de-Galles ou l’Irlande-du-Nord. En même temps, le Royaume-Uni a également influencé la politique européenne dans le domaine. Par exemple, il a été un leader dans le combat européen contre le changement climatique. Mais il a aussi été l’une des voix les plus fortes à Bruxelles qui appelaient sans cesse pour une « meilleure régulation », ce qui revenait en fait à la demande de diminuer les « charges » que représentent les normes et régulations et de réduire la « bureaucratie environnementale ». Dans le cas d’un Maintien de l’adhésion, cette insistance permanente sur le « moins de régulation » finirait par mettre en cause des parties de l’acquis environnemental communautaire. Les scenarios du Départ

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La présentation du rapport.

Comme l’a démontré Charlotte Burns, les risques pour l’environnement associés aux deux scénarios du Départ sont plus importants. Dans les deux cas, les règles européennes concernant les eaux de baignade, les oiseaux et les habitations cesserait d’être appliquées, tout comme la Politique Agricole Commune et la Politique Commune de la Pêche. L’option dite de « Libre-Echange » représenterait un risque plus significatif pour une bonne partie de la politique environnementale, même si – accès au Marché Unique oblige – les standards environnementaux pour tous les produits vendu en Europe continueraient sans doute à être respectés. Bien entendu, il est possible que des dirigeants britanniques profitent d’un Brexit pour améliorer encore des standards environnementaux par rapport aux minima européens. Mais ils ont déjà ce droit sous les Traités existants, et n’en usent que très rarement ! Selon David Baldock, de l’Institut Européen de la Politique Environnementale (IEEP), le gouvernement actuel était en train de contester devant la Cour de Justice la pertinence des standards européens sur la pollution de l’air et qu’il était par conséquent peu probable qu’il allait les améliorer dans le cas d’un Départ.

La perspective des ONG

La table ronde qui suivit le lancement du rapport, présidée par Matthew Spencer de la Green Alliance, mit le focus sur des secteurs spécifiques. Selon Philip Rothwell (The Wildlife Trust), les directives européennes sur l’habitat et les oiseaux sous-tendent les règles britanniques et beaucoup de financements pour la protection des animaux provenaient de la Politique Agricole Commune (PAC). Il a fait part de son inquiétude pour ces standards, même dans la cas de ce qu’on appelle « l’Option norvégienne ». Mike Clarke, de la Royal Society for the Protection of Birds, regretta qu’aucun des deux camps n’avait vraiment adressé la dimension environnementale dans le débat référendaire. Pour lui, la PAC avait besoin d’autres réformes d’ici 2020 afin de contrecarrer la perte en biodiversité, selon une approche d’ « argent public pour le bien public ». Toute politique britannique alternative après un Départ devrait également adopter cette approche. Melissa Moore, de la Marine Conservation Society, informa l’audience sur les réformes récentes de la Politique Commune de la Pêche (PCP) qui devaient désormais être mises en œuvre. Dans le système actuel d’allocation de quotas de pêche, le Royaume-Uni avait le deuxième quota derrière l’Espagne, ce qui ne sera plus valable après une Brexit. Enfin, Nick Molho, représentant de l’Aldersgate Group of Green Businesses, insista sur le fait qu’afin de préserver la confiance des consommateurs, les entreprises les plus innovantes du Royaume-Uni seraient condamnées, même dans le cas de l’option « norvégienne » à respecter l’ensemble des règles européennes sans pour autant avoir quelconque influence sur leur formulation.

La Séance des questions

La discussion avec le public fit émerger d’autres questions et inquiétudes, notamment par rapport aux coûts des différents scénarios, évidemment très controversés. Selon R. Andreas Krämer (Ecologic Institute of Potsdam University), même l’option « norvégienne » n’allait pas économiser de l’argent au Royaume-Uni : si le pays n’aurait plus besoin de contribuer au budget de la PAC, il perdrait aussi son rabais agricole, effaçant ainsi tout bénéfice associé à la disparition des contributions. Les discussions montrèrent une fois de plus qu’il existe un souhait fort de prendre le facteur environnemental en considération dans le débat sur le référendum – ce que n’ont fait ni le gouvernement dans son récent livret d’information ni les deux camps opposés. Il incombe donc aux citoyens, aux ONG, aux think-tanks et aux chercheurs d’informer le public sur ces questions primordiales. Viviane Gravey


Viviane GraveyViviane Gravey est l’un des co-auteurs du rapport, auquel elle a contribué deux chapitres. Elle est actuellement doctorante au Tyndall Centre for Climate Change Research (East Anglia University, Norwich). Sur ideasoneurope, elle est une contributrice régulière du Blog “Environmental Europe”. Sur Twitter, on peut la suivre sous @VGravey et @EnvEurope  Le rapport peut être téléchargé ici: http://environmenteuref.blogspot.fr/p/the-report.html Une version anglaise de ce post peut être trouvée sur Ideas on Europe. Les BreXing News regroupent en un blog des analyses et des points de vue publiés durant la campagne référendaire au Royaume-Uni par l’EU-Asia Institute de l’ESSCA. Aller aux BreXing News précédentes.

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